La photographie familiale de 1892 que tous croyaient innocente… jusqu’à ce que l’on remarque les mains des bébés dans les bras de la mère

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November 16, 2025

Parfois, une simple image suffit à ranimer tout un pan du passé. C’est le cas de cette photographie sépia, datée de mars 1892, retrouvée dans les archives de Puebla, au Mexique. On y voit une femme assise sur une chaise finement ouvragée, le regard perdu, tenant dans ses bras deux bébés aux visages paisibles. Pendant des décennies, ce portrait familial a été perçu comme un simple témoignage d’amour maternel — jusqu’à ce que l’on découvre qu’il renfermait une histoire tragique et un mystère qui continue de fasciner les historiens.

Une image d’un autre temps

À première vue, cette photo ne diffère pas des nombreux portraits réalisés à la fin du XIXᵉ siècle. Les vêtements sont typiques de l’époque : robe sombre à col montant, dentelles délicates, petits chaussons blancs. La mère, Catalina Ruiz de Herrera, appartenait à une famille aisée de Puebla. Mariée à Don Felipe Herrera, un commerçant prospère, elle incarnait la respectabilité d’une bourgeoisie locale attachée à ses traditions. Le cliché fut pris par Don Abundio Cortés, photographe renommé pour ses portraits soignés et sa maîtrise de la lumière naturelle.

Mais en y regardant de plus près, quelque chose trouble. Le regard de la jeune femme semble ailleurs, suspendu entre la tendresse et l’absence. Les jumeaux, Ana Lucía et José Miguel, paraissent étrangement immobiles. Cette impression, notée par plusieurs chercheurs, s’explique peut-être par les longs temps de pose de l’époque, qui imposaient une immobilité totale. Et pourtant, certains y voient une symbolique prémonitoire, un écho du destin tragique qui attendait cette famille.

Une mère fragilisée

Quelques mois avant la prise du cliché, Catalina avait mis au monde ses jumeaux après un accouchement difficile. Les archives mentionnent qu’elle était très affaiblie, physiquement et moralement. Le terme de “mélancolie maternelle”, utilisé dans les journaux médicaux du XIXᵉ siècle, désignait déjà ce que l’on nomme aujourd’hui la dépression post-partum. À une époque où la santé mentale restait taboue, ces troubles étaient mal compris, et les femmes qui en souffraient souvent isolées.

Felipe, son mari, inquiet mais absorbé par son commerce, fit appel à plusieurs domestiques pour l’aider. Les témoignages retrouvés décrivent une jeune mère distraite, parfois absente, enfermée dans ses pensées. Rien d’inquiétant selon les standards de l’époque, où l’on parlait simplement de “fatigue nerveuse”. Mais la suite allait révéler un drame humain que la médecine d’alors ne pouvait expliquer.

Le mystère de la photographie

Trois mois après la séance photo, la famille Herrera fut frappée par une tragédie dont les détails restent flous. Les archives judiciaires, les coupures de presse et les récits oraux divergent, mais tous évoquent une nuit de juin 1892 qui bouleversa Puebla. Accident domestique ? Disparition inexpliquée ? Les versions s’opposent, aucune ne permet de trancher.

Lorsque Don Abundio remit les plaques originales aux archives des années plus tard, la rumeur reprit : certains affirmaient que les bébés paraissaient trop calmes, presque figés, comme si le cliché avait saisi plus que la vie. D’autres, plus rationnels, rappelaient que la technique photographique exigeait une immobilité absolue. Le débat persiste encore aujourd’hui entre amateurs et historiens.

Une trace silencieuse du passé

Ce portrait, aujourd’hui exposé au musée historique de Puebla, fascine toujours par son mélange d’ombre et de lumière. On y perçoit à la fois la beauté fragile d’une mère et de ses enfants, et le poids invisible de son époque : celui des normes sociales, du silence entourant la souffrance féminine, et du regard figé d’une société sur la maternité.

Les visiteurs racontent qu’en se tenant devant le cliché, ils ressentent une émotion singulière — un mélange de tendresse et de malaise. Peut-être parce qu’il nous rappelle que chaque image ancienne, aussi simple soit-elle, contient mille histoires : celles que l’on a racontées, celles que l’on a tues, et celles que l’on devine dans un regard.

Plus d’un siècle plus tard, la photo de Catalina Ruiz et de ses jumeaux continue d’émouvoir. Non pour la tragédie qu’elle évoque, mais parce qu’elle nous invite à regarder au-delà de l’image : à comprendre les silences, les fragilités, et la part d’humanité que le temps n’efface jamais.

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